[Tribune] L’entrepreneuriat social, ou la révolution silencieuse des associations

Les associations gérant des hôpitaux doivent s'adapter aux logiques entrepreneuriales (Crédits : Reuters)

Les associations gérant des hôpitaux doivent s’adapter aux logiques entrepreneuriales (Crédits : Reuters)

Les bouleversements nouveaux auxquels les associations gestionnaires d’établissements de services sociaux et médico-sociaux doivent aujourd’hui faire face est sans précédent.

Depuis plus de 10 ans, ce secteur est confronté à un changement de paradigme radical. Dans un contexte de redéploiement de moyens et d’instabilité institutionnelle liée à une décentralisation accélérée, les pouvoirs publics ont repris la main pour rendre la dépense publique plus efficiente et engager la convergence tarifaire sur l’ensemble du territoire. Ainsi, le système de mandat où les projets étaient portés par les associations et leurs bénévoles a vécu, et l’ère de la prestation pour répondre à la commande publique est venue. L’Etat et les collectivités fixent désormais les priorités, arrêtent les schémas directeurs et lancent des appels à projet, sur le principe de la mise en concurrence avec de puissants groupes privés lucratifs – pour certains adossés à des fonds de pension – mais aussi entre les associations elles-mêmes.

La voie de l’entrepreneuriat social

On peut être en désaccord avec ces approches que d’aucuns définissent comme libérales, et considérer que certains secteurs d’intérêt général ne doivent pas relever de la concurrence et en être absolument préservés.

On peut aussi prendre acte de cette situation, admettre que le phénomène est voué à s’accélérer du fait de l’inéluctable tarissement des ressources publiques et alors s’adapter et s’outiller. C’est la voie choisie par certains dirigeants associatifs aujourd’hui, et cette voie, c’est celle de l’entrepreneuriat social.

En quoi consiste-t-elle ? A se donner les moyens de poursuivre l’aventure associative en s’inscrivant dans une dynamique nouvelle, entrepreneuriale, qui permet de maîtriser plutôt que subir des contraintes extérieures de plus en plus fortes…tout en maintenant l’impact social à son plus haut niveau d’exigence.

S’emparer des armes du privé lucratif

Comment la mettre en œuvre ? D’abord en s’emparant des armes du privé lucratif pour mieux maitriser les coûts et démontrer la performance du service rendu. Par exemple, en adoptant des techniques de contrôle de gestion pointues pour optimiser chaque euro investi dans la mission sociale de la structure, en musclant son marketing pour mettre en valeur son savoir-faire et ses compétences, en maîtrisant davantage la gestion prévisionnelle de l’emploi – anticipation des départs à la retraite massifs, formation face à la complexification des contraintes réglementaires – pour mieux accompagner des salariés qui exercent souvent des métiers difficiles.

Diversifier les ressources

Ensuite en engageant une dynamique de diversification des ressources – publiques, bancaires, philanthropiques – et en expérimentant de nouvelles formes de financement : le crownfunding, qui s’appuie sur les réseaux sociaux pour financer des projets, l’impact investing, qui cherche à combiner rentabilité économique et impact social, et – pourquoi pas ! – les social impact bonds, où les pouvoirs publics rétribuent l’engagement des investisseurs dans une structure d’intérêt général en fonction des coûts évités à la collectivité grâce à son activité. L’explosion des besoins sociaux est telle qu’il semble impossible de ne pas tout essayer en matière d’innovation financière.

Cette hybridation des ressources est essentielle. Elle est gage d’une viabilité économique pérenne, d’une vulnérabilité limitée, d’une indépendance renforcée mais aussi d’innovation sociale au moment où la dépense publique a déjà bien du mal à financer durablement les missions sociales élémentaires.

Développer des partenariats avec des entreprises

Egalement, en développant des partenariats innovants avec les entreprises, grands groupes ou PME. De fait les collaborations « gagnant-gagnant » se multiplient, dans tous les secteurs d’activité : elles permettent aux entreprises de fédérer leurs équipes autour de projets qui redonnent du sens à leurs métiers et passer du socialwashing à des démarches RSE ambitieuses et concrètes. Quant aux associations, ces alliances leur permettent de changer d’échelle en enrichissant leur expertise et en industrialisant leurs solutions. Ces rapprochements peuvent prendre différentes formes – mécénat financier et de compétence, prestation et sous-traitance, co-construction de produits et/ou services – et doivent être encouragés, dès lors qu’ils sont positifs pour les deux parties et tendent vers un même but : placer l’efficacité économique au service de l’intérêt général.

Mutualiser les moyens et les structures

Enfin, en s’engageant dans une mutualisation des moyens entre structures. Allant de la mise en commun de certaines fonctions supports jusqu’à la création de groupements ou à la fusion/absorption autour d’une vision stratégique commune, elle permet de faire baisser les coûts, atteindre une taille critique, investir de nouveaux marchés ou appels d’offre, renforcer ses fonds propres et partager de nouvelles compétences.

Cette révolution entrepreneuriale est une chance pour le monde associatif. Les entrepreneurs sociaux renoncent à regarder la formidable aventure associative sombrer dans l’indifférence et souhaitent au contraire la réinventer pour lui permettre de reprendre en main sa destinée. Une reprise en main pour elle-même, mais aussi pour les françaises et les français, dont les besoins fondamentaux – prise en charge de la dépendance, de la petite enfance, du handicap, lutte contre les exclusions… – ne peuvent être abandonnés aux seules mains du marché.

André Dupon, Président du Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves)
Jean-Marc Borello, Président du Groupe SOS
Christophe Itier, Directeur Général de la Sauvegarde du Nord

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