Interview d’Arnaud Delcasse, fondateur de Scity.coop
Arnaud Delcasse, nouvel adhérent du Mouves PACA (Alpes Maritimes), a fondé Scity.coop, une coopérative d’innovation numérique au service de l’économie sociale et solidaire.
Scity.coop développe donc des projets dans le secteur du numérique ayant un impact social et/ou environnemental. Faciliter les mobilités, préserver l’environnement, créer du lien social à travers les outils numériques est au coeur de leur identité. Ils développent notamment Ridygo, un service de covoiturage en temps réel pour les trajets courte distance, qui travaille, au delà des questions environnementales, sur les problématiques de mobilité inclusive pour permettre aux personnes éloignées de l’emploi de se déplacer à moindre coût.
Quel est le besoin auquel répond ta structure ?
Nous avons créé Scity.coop en partant du constat que le monde de l’innovation numérique et celui de l’Economie Sociale et Solidaire partaient dans des directions opposées : d’un côté de grandes entreprises du numérique développant des plateformes qui prônent le partage mais qui ne font que se positionner en intermédiaire pour capter la richesse au profit d’une minorité d’actionnaires, tout en détruisant nos modèles sociaux ; de l’autre côté, une Economie Sociale et Solidaire qui ne peut plus se contenter d’être passive face aux développements numériques.
C’est la raison pour laquelle nous avons voulu mettre nos compétences numériques au service des enjeux environnementaux et sociaux.
Peux-tu nous citer un exemple de projet sur lequel tu travailles ?
Aujourd’hui, nous travaillons sur Ridygo, un service de covoiturage en temps réel pour les trajets courte distance, tels que les trajets domicile-travail. L’objectif est de répondre aux enjeux liés à ces trajets qui empêchaient jusqu’à présent de covoiturer sur les trajets du quotidien, et notamment l’enjeu de flexibilité horaire. Notre service prend en compte (et apprend automatiquement) les habitudes de déplacements des utilisateurs pour les notifier en temps réel lorsqu’un trajet est disponible pour eux ou lorsqu’ils pourraient en créer un et trouver des passagers, même au dernier moment.
Notre approche multimodale permet de proposer des trajets qui combinent covoiturage et transports en commun, afin de désenclaver les zones rurales et périurbaines aujourd’hui souvent mal desservies.
Enfin, nous avons souhaité intégrer une dimension sociale forte : nous avons mis en place un modèle économique, reposant sur un mécanisme de monnaie virtuelle, qui nous permet de rediriger une partie des bénéfices du service, pour permettre à des personnes en situation de précarité et pour lesquelles les déplacements sont un frein à l’insertion de se déplacer gratuitement, dans une logique de “mobilité inclusive” : 50 % des personnes en insertion ont déjà refusé un emploi ou une formation pour des raisons liées à la mobilité : il nous a donc semblé naturel, en tant que structure de l’ESS, de ne pas mettre cet enjeu de côté !
D’où t’es venue cette idée ?
L’idée nous est venue tout naturellement en nous rendant compte que, travaillant sur le territoire de Sophia Antipolis, la très grande majorité des déplacements pour se rendre au travail s’effectuait seul dans sa voiture personnelle. Pourtant, sur ce territoire en particulier mais c’est également vrai ailleurs, les salariés habitent et travaillent aux mêmes endroits et pourraient très simplement mutualiser des trajets.
Nous nous sommes donc penché sur les freins au covoiturage, et y avons inclus la problématique des personnes en situation de précarité, sur un territoire supposé riche (Côte d’Azur) mais qui connait en réalité des inégalités sociales très importantes.
Quelles sont les raisons qui t’ont poussé à entreprendre en coopérative ?
Nous voulions nous inscrire dans une logique qui nous semblait correspondre en tout point à celle de l’économie du partage. Au delà de l’aspect “idéologique” qui nous poussait vers ce modèle, ce statut nous permet d’impliquer tous les salariés dans la gouvernance de l’entreprise, d’autres parties prenantes, et notamment les utilisateurs de l’application, ainsi que les participants à une campagne de financement participatif qui arrivera à la rentrée 2016. Le choix d’une SCOP nous a permis d’avancer plus rapidement au démarrage sans avoir besoin de regrouper différents “collèges” dès le départ.
Quel conseil donnerais-tu à un futur entrepreneur social ?
Présenter son projet tel qu’on le conçoit et non en fonction de son interlocuteur. J’ai souvent mis l’aspect “mobilité inclusive” de notre plateforme en retrait lorsque j’ai été face à des personnes que je supposais insensible à cet aspect de notre service, alors qu’elles y étaient très ouvertes.
Aurais-tu un « faux-pas » d’entrepreneur à partager ?
Je suis d’un naturel optimiste et positif, j’estime donc qu’il n’y a jamais de faux pas et que toute expérience, même l’échec, permet de progresser et est un pas en avant.
Quels sont aujourd’hui les projets de développement de Scity.coop ?
Nous créons une plateforme de “Chèque Covoiturage” décentralisée permettant aux entreprises de financer les trajets en covoiturage de leurs salariés. A plus long terme, nous souhaitons continuer à développer de nouveaux services à impact social et environnemental, contribuer à l’émergence d’un écosystème numérique coopératif, de plateformes coopératives, et travailler en partenariat avec d’autres acteurs de l’ESS pour développer des innovations inclusives.
Quelles sont tes attentes vis-à-vis du MOUVES ?
Qu’il soutienne la culture de l’entrepreneuriat social sur les Alpes-Maritimes ! C’est également l’opportunité de rencontrer des personnes qui partagent cette philosophie et, pourquoi pas, d’envisager des projets communs qui changent le monde ? ;)
Quelle serait ta définition de l’entrepreneuriat social ?
Pour moi, l’entrepreneuriat social doit être une manière d’entreprendre autrement en mettant les bénéfices économiques de l’activité créée au service d’enjeux sociaux et environnementaux. C’est créer des modèles économiques innovants permettant de redistribuer la richesse produite pour satisfaire ces valeurs. Enfin, en temps que cofondateur d’une coopérative, je ne peux pas oublier le modèle de gouvernance qui doit impliquer tous les salariés et si possible l’ensemble des parties prenantes.
Propos recueillis par Marianne Petit (Cause Communication – adhérente du Mouves PACA)