Les entreprises mènent des activités de R&D pour créer de nouveaux biens et services ou améliorer leurs produits existants. La R&D est ainsi un élément majeur du processus d’innovation, qu’elle soit sociale ou technologique.
« La recherche et le développement expérimental (R-D) englobent les travaux de création entrepris de façon systématique en vue d’accroître la somme des connaissances, y compris la connaissance de l’homme, de la culture et de la société, ainsi que l’utilisation de cette somme de connaissances pour de nouvelles applications. Le terme R-D recouvre trois activités : la recherche fondamentale, la recherche appliquée et le développement expérimental. »
La R&D n’est pas réservée qu’aux entreprises classiques ou au champ technologique
Le développement d’activités de R&D dans les entreprises sociales est un levier essentiel pour stimuler l’innovation sociale, et inventer ainsi des réponses nouvelles efficaces aux besoins sociaux mal satisfaits.
Une démarche de « R&D sociale » repose sur trois étapes :
- Construire un diagnostic approfondi du problème social identifié, en mobilisant l’ensemble des sciences sociales (sociologie, économie, psychologie…) et une analyse fine des réalités locales.
- Imaginer une façon nouvelle d’y répondre, en s’appuyant sur une expérience de terrain et sur les expertises croisées de nombreux acteurs : personnes concernées par ce besoin social, professionnels déjà engagés dans la prise en charge du problème, expériences innovantes mises en œuvre dans d’autres pays…
- Tester la pertinence de la réponse imaginée, à travers l’élaboration de prototypes ou la mise en place de programmes pilotes à petite échelle, en acceptant d’ajuster le dispositif par des essais-erreurs successifs, et en associant à ce processus les bénéficiaires, les spécialistes, les acteurs locaux publics et privés.
Zoom sur SIEL BLEU et l’OPHEC
Le Groupe SIEL BLEU met en place des activités physiques adaptées pour des personnes fragilisées (âgées, handicapées et/ou atteintes de maladies chroniques), destinées à lutter contre la dépendance et l’isolement. Il mène de nombreux programmes de recherche sur le lien entre activités physiques et bien-être (mesure de l’impact thérapeutique de ses interventions), s’appuyant sur des disciplines de sciences humaines et sociales (sciences cognitives, sciences de l’éducation…) et sur des sciences « dures » (médecine…).
Pour cela, il emploie deux chercheurs à plein temps. Il a également lancé un partenariat avec l’INSERM. Il travaille conjointement sur ces sujets avec un certain nombre d’hôpitaux. Il monte des projets de recherche à l’échelle européenne (Commission européenne, gouvernements irlandais et catalans)… L’investissement en R&D du Groupe représente environ 5 % de ses actifs.
L’OPHEC, qui développe des projets coopératifs d’habitat écologique et solidaire, mène des activités de R&D technologique pour maximiser l’efficience énergétique des logements en développant des méthodes peu utilisées (bloc de chanvre…). Il mène aussi des activités de R&D mobilisant les sciences humaines et sociales, sur la méthodologie de facilitation entre les habitants (création de lien social et maintien de la dynamique de groupe) et sur le volet juridique (mise au point d’un nouveau type de montage juridique, l’AutoFEVA, et de nouveaux systèmes de sécurisation associés).
La R&D orientée vers l’innovation sociale est donc, comme toute R&D, un processus difficile, long, coûteux.
C’est aussi un processus risqué. Son coût est souvent incertain : jusqu’où faudra-t-il développer la phase de recherche pour aboutir à un projet satisfaisant ? Combien d’essais devront être expérimentés avant de pouvoir conclure la phase de test ? Tout comme pour la R&D technologique, son issue aussi est aléatoire : risque d’échec technique, difficulté à quantifier les débouchés, difficulté à anticiper la façon dont les bénéficiaires et les acteurs installés réagiront à la solution proposée…
Le Crédit d’impôt recherche, un levier puissant, encore méconnu des entrepreneurs sociaux
Ces activités, à fort potentiel en termes d’innovation sociale et de dynamisme économique, sont encore insuffisamment reconnues et soutenues comme telles. Principal mécanisme mis en place pour soutenir la R&D, le Crédit d’Impôt Recherche (CIR, 5,8 milliards d’€ en 2009, première dépense fiscale française !) est encore très peu ouvert et utilisé par les entreprises sociales.
Pourtant, en théorie, les activités de R&D orientées vers l’innovation sociale peuvent bénéficier de ce dispositif. Les activités retenues dans l’assiette du CIR correspondent en effet à la définition internationale des travaux de R&D établie par le « Manuel de Frascati » dans le cadre de l’OCDE, référentiel qui intègre le champ des sciences sociales et humaines et des services. De plus, toutes les entreprises, quelque soit leur statut juridique (y compris les associations soumises aux impôts commerciaux) peuvent bénéficier du CIR.
Ce sont donc essentiellement les pratiques qu’il s’agit de faire évoluer : élargir la doctrine fiscale par une information ministérielle ou une circulaire, et mener des actions de sensibilisation auprès des entrepreneurs sociaux pour leur donner les moyens d’avoir recours à ce dispositif.
Entreprise sociale et CIR : zoom sur la Manufacture Durable
La Manufacture Durable est un pôle de conseil et de services composé de trois structures. Auxilia propose aux entreprises et aux collectivités des conseils en développement durable (Agenda 21, Bilan carbone…). Mobility+ leur propose des conseils en mobilité durable (covoiturage, vélo, aménagement des horaires…). Voiture&Co développe des plateformes de mobilité (notamment « Bougez vers l’emploi », qui permet le retour à l’emploi de chômeurs grâce à la mise à disposition de solutions de mobilité), ainsi que des activités de prévention (sécurité routière).
Pour l’année 2009, la Manufacture Durable a obtenu un crédit d’impôt recherche pour deux de ses filiales, Auxilia et Mobility+, qui lui a permis de développer des recherches concernant l’intégration de nouvelles pratiques de développement durable et de mobilité durable dans les entreprises, et l’optimisation des déplacements pour les usagers en situation précaire.
La R&D est une activité importante pour la structure, qui estime qu’elle représente 5 à 10 % de son budget. C’est à la fois une activité menée par des professionnels de la recherche (doctorant) et une activité transversale à l’ensemble des équipes (80 % des équipes travaillent sur des projets en lien avec la R&D, pour des temps de travail allant de 5 à 50 % selon les projets).
La Manufacture Durable s’est néanmoins heurtée à plusieurs difficultés dans l’accès au crédit d’impôt recherche.
- La méconnaissance du dispositif : les trois filiales ont été créées en 2001, et cependant ce n’est que pour l’année 2009 que le CIR a été demandé pour la première fois.
- La lourdeur des dossiers : il est impératif de se faire accompagner par un cabinet d’experts, dont la rémunération représente une charge importante.
- L’absence de dispositif de type CIR pour les associations non soumises aux impôts commerciaux : les trois filiales du groupe mènent une politique de R&D active, mais seules les deux premières (SARL et association fiscalisée) ont pu avoir accès au CIR, tandis que Voiture&Co (association non soumise aux impôts commerciaux) n’a pu bénéficier d’aucune aide publique pour ses activités de R&D.
Le Mouves se mobilise également pour susciter la mise en place d’un dispositif spécifique pour les associations non soumises aux impôts commerciaux, qui sont de fait exclues du CIR et ne bénéficient par ailleurs d’aucune aide pour leur recherche & développement.
Pour aller plus loin…
Accédez au courrier que le Mouves a envoyé à l’ensemble des parlementaires à l’occasion des débats sur le projet de loi de finances 2011 : « Réformer le Crédit d’Impôt Recherche, au service de la compétitivité et de l’intérêt général »
Visitez le site de l’Institut Godin, issu d’un regroupement d’entrepreneurs sociaux et d’universitaires, qui se donne pour objectif de mutualiser la recherche en économie solidaire et de permettre le développement des démarches de R&D au sein des entreprises sociales.