Quatre questions à Florence Gilbert, directrice de l’entreprise sociale Voiture & Co.
C’est quoi être entrepreneure sociale ?
« Gérer efficacement son entreprise pour permettre à un maximum de personnes de bénéficier de services qui répondent à leurs besoins sociaux.»
Avant de devenir entrepreneure sociale, j’étais chef de publicité dans une agence. Ce métier me plaisait mais au bout d’un certain temps, j’ai éprouvé le besoin d’utiliser mes compétences pour une activité qui porte certaines valeurs humaines et non la seule recherche du profit.
J’ai repris la direction générale de l’entreprise associative Voiture & Co il y a 6 ans. Je me suis servie des compétences acquises dans le secteur « classique » pour développer cette entreprise sociale. En dix ans on peut dire que j’ai donné beaucoup de ma personne ; moi qui voulais travailler pour une entreprise à valeurs humaines, j’ai créée une entreprise qui porte mes valeurs !
Cependant, je ne me suis jamais considérée comme « entrepreneure sociale ». Le terme est arrivé très récemment, clarifiant progressivement l’identité de cette nouvelle catégorie d’entrepreneurs. Dès le départ et sans le savoir, nous avions adopté une démarche très entrepreneuriale. Nos partenaires nous le faisaient remarquer sans que l’on sache vraiment s’il fallait le prendre comme un reproche ou un compliment.
Très vite, on s’est rendu compte que c’était plutôt mal vu par l’opinion publique : on devait constamment se justifier, montrer patte blanche car on avait l’ambition d’entreprendre pour aider des personnes vulnérables. Or, on souhaitait tout simplement développer l’association, être efficace pour répondre à une vraie problématique sociale et environnementale, trouver des partenaires et créer des services qui n’existaient pas tout en ayant une activité économique viable. Bref, fonctionner au mieux, au quotidien.
Puis, lorsque notre entourage s’est rendu compte que l’on était efficace, que l’on produisait un impact social positif, que l’on permettait à de plus en plus de personnes de retrouver une mobilité tout en polluant moins, les regards ont progressivement changé.
C’est le propre de l’innovateur : on vous dissuade toujours au départ de vous lancer dans des activités sous prétexte que cela « ne marchera jamais ». A vous de prouver le contraire ! Pour moi, c’est cela « être entrepreneure sociale » !
En quoi votre entreprise sociale innove ?
«On propose un accompagnement sur mesure pour permettre à chaque personne, quelque soit sa condition, de mieux se déplacer et de moins polluer.»
Voiture & Co agit pour une mobilité durable. Nous permettons à toute personne, quelle que soit sa condition, de mieux se déplacer tout en polluant moins. Pour ce faire, nous avons développé 9 plateformes mobilité : « Bougez futé ! » et « Bougez vers l’emploi ! ».
Nous ne sommes pas tous égaux face à la mobilité. En fonction de notre âge, de l’endroit où nous habitons, de notre situation familiale et professionnelle, de notre degré de validité, nous n’éprouvons pas les mêmes facilités à nous déplacer.
Par ailleurs, l’un des facteurs déterminants pour trouver un emploi est notre capacité à s’y rendre. Or, c’est un vrai parcours du combattant pour de nombreux chômeurs qui manquent de visibilité sur les infrastructures de transport existantes. Dès la phase de recherche, ils ont besoin d’un accompagnement pour savoir où postuler et comment se rendre sur un potentiel futur lieu de travail.
C’est pour cette raison que nous centralisons l’information dans nos agences en faisant un grand travail pour répertorier et valoriser les dispositifs existants.
Ainsi, on dispense des formations pour les personnes éloignées de l’emploi et en insertion mais aussi pour des personnes qui souhaitent simplement changer de moyen de locomotion (il faut par exemple se réhabituer à la conduite d’un vélo lorsque l’on a utilisé la voiture depuis des années …). Nous proposons aussi un accès à d’autres moyens de transports, comme l’autopartage et le vélo et faisons de l’accompagnement sur mesure : ce que l’on propose à une personne âgée d’Auch (où sans voiture, personne ne peut se déplacer) est différent de ce que l’on propose à un jeune en recherche d’emploi à Vitry.
Nous créons le moins de services supplémentaires possibles car nous mettons d’abord en avant les services déjà présents sur le territoire. Et lorsqu’il faut créer une auto-école sociale ou mettre en place un service de minibus collectif qui va chercher nos adhérents, nous sommes capables de le faire.
Pour répondre à ces besoins sociaux, Voiture & Co est donc non seulement une entreprise sociale qui innove mais aussi une entreprise qui se développe fortement : elle est passée de 7 salariés en 2005 à 66 salariés aujourd’hui …
Votre proposition pour développer l’entrepreneuriat social ?
« Il est crucial de prouver notre efficacité pour imposer l’entrepreneuriat social comme une évidence.»
Avant tout, il est important de sensibiliser les entreprises associatives et toutes les entreprises sociales à l’importance de prouver l’efficacité de leurs actions. A l’heure où l’on voit les finances publiques dépourvues, il est crucial d’être en mesure de communiquer et de faire du lobbying sur nos résultats et notre impact social.
Ainsi, nous pourrons démonter les arguments qui avancent que les entreprises sociales coûtent de l’argent à la collectivité. Nous savons aujourd’hui que c’est exactement le contraire. En ce qui concerne notre entreprise, nous avons mesuré son impact social et calculé qu’investir dans Voiture & Co c’est économiser des coûts à la collectivité.
Je me retrouve pleinement dans le titre du Livre Blanc des entrepreneurs sociaux « l’efficacité économique au service de l’intérêt général ». Il faut donc s’outiller et se professionnaliser pour être efficaces socialement et économiquement. Sur ce point, notre appartenance au Groupe SOS et l’expertise de son GIE nous a beaucoup aidé.
Que faites vous au Mouves ?
« C’est une vraie chance d’avoir un organisme capable de faire à la fois du lobbying sur nos entreprises sociales et d’échanger sur nos pratiques.»
Je trouve au Mouves IDF des échanges d’expériences, d’outils et de points de vue qui, je le souhaite, me permettront d’être la plus efficace possible pour répondre aux besoins sociaux avec mon entreprise.
Je considère que l’action du Mouves pour la promotion de nos entreprises sociales est une vraie chance. Comme je l’ai dit, la notion d’entrepreneuriat social vient clarifier notre statut et notre métier qui a toujours été mal compris par les financeurs, les partenaires et les acteurs publics.
Il est crucial pour nous d’avoir une organisation qui communique sur la viabilité de nos modèles, l’importance de les encourager et de les développer.
Le Mouves me permet d’arriver et dire sans complexe : « je suis entrepreneure sociale » !