Julien Vert – Cofondateur et gérant de Potagers & Compagnie

Potagers & Compagnie

Nous sommes heureux d’accueillir Julien Vert au Mouves PACA. Il vient de fonder fin 2019 Potagers & Compagnie, une entreprise qui agit pour la transition agroécologique et a accepté de nous partager son parcours, sa vision de l’agroécologie et son expérience.

Un projet né d’une rencontre.

 

Est-ce que tu peux décrire ton parcours et comme tu as créé Potagers & Compagnie ?

 

J’ai fait ma première partie de carrière dans la fonction publique, je me suis spécialisé dans mes études en gestion de l’environnement, et je suis rentré dans le corps des Eaux et Forêts. J’ai travaillé à Paris, au Ministère de l’Écologie, puis au Ministère de l’Agriculture, et depuis 2013, j’étais auprès du Préfet du Var sur les thématiques environnementales et forestières. Il y a 2 ans j’ai entamé une reconversion professionnelle, j’avais une certaine lassitude de l’administration et de ses lourdeurs, et de l’absence d’ambition écologique. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Laurence Berlemont, qui est la patronne du cabinet d’agronomie provençale et qui a racheté un petit domaine agricole au Val, près de Brignoles, pour installer les locaux du cabinet dans l’ancien corps de ferme. Elle avait en tête de faire quelque chose des terres agricoles autours. De cette rencontre est né Potagers & Compagnie. On a créé l’entreprise en octobre 2019.

 

En quoi consiste Potagers & Compagnie ?

Il y a d’abord un lieu : la ferme St-Georges est un joli petit domaine provençal, très intéressant parce que diversifié : il y a de la forêt,  1 hectare de vignes en AOP et une grande parcelle de 4 hectares au bord de la rivière. De là, nous avons eu l’envie de créer ici un lieu de production le plus agroécologique possible. Quand Laurence a évoqué ça auprès d’autres chefs d’entreprises, il y a eu un écho auquel on ne s’attendait pas forcément : des gens pas du tout dans le domaine qui étaient intéressés pour des potagers d’entreprise.

On s’est également dit, c’est le 3ème pilier du projet, qu’il faut qu’on travaille sur des aspects formations, expérimentations et recherche. Si on veut réussir ici, il faut se nourrir au maximum des recherches en agroécologie. Mais nous avons également l’ambition d’être un lieu qui accueille des stagiaires ou des doctorants, qui soit le support d’essais agronomiques ou  de programmes de recherches. On a ainsi très vite bâti des partenariats scientifiques, notamment avec Montpellier Sup Agro, ou le lycée agricole de la Provence Verte…

 

Tous ces éléments on les a agencés dans Potagers & Compagnie, qui repose sur 3 piliers :

  • La production agricole bio, vendue en circuit court, qui est notre point de départ ;
  • La formation et l’expérimentation en agroécologie, on va développer des formations professionnelles courtes à destination des agriculteurs, des candidats à l’installation agricole, mais aussi des jardiniers amateurs ;
  • Le développement de potagers d’entreprise, avec un fort accompagnement.

 

Potagers & Compagnie est créé en octobre 2019, dans la foulée les premiers recrutements en novembre, en attaquant d’emblée avec 2 potagers, le nôtre et le potager de notre 1er client, Soleil du Sud, une entreprise qui fait du photovoltaïque en toiture et qui était prête à se lancer avec nous.

On a conçu les potagers pendant l’hiver, il y a tout un travail en amont de réflexion pour créer un lieu qui soit à la fois efficace et écologique. Les premiers aménagements ont eu lieu au 1er trimestre 2020, et les potagers commencent à livrer leurs premiers légumes.

 

Quel est ton poste ?

Je suis cofondateur de Potagers & Compagnie, et j’en assure la gérance.

 

Donc vous êtes 2 associés ?

Oui, on est 2 cofondateurs. Mon associée, Laurence Berlemont, dirigeante du Cabinet d’agronomie provençale, a moins de temps à consacrer à la gestion quotidienne de l’entreprise. Mais elle a une expérience et une énergie qui sont décisive pour le projet.  On a d’emblée voulu recruter 2 jeunes ingénieurs agronomes, qui sont nos 2 maraîchers, Loric Ferreri et Merlin Leppens, et on a une apprentie. On accueille régulièrement des stagiaires.

 

Quel est le modèle de gouvernance ?

Il s’agit d’un modèle assez simple, nous sommes une SARL et nous avons voulu d’emblée intégrer les principes de l’ESS : transparence, utilité sociale, limitation des écarts de salaire… Ce qui fait que nous avons obtenu de suite le label ESUS. A moyen terme, on souhaite impliquer davantage l’ensemble de nos parties prenantes, peut être en se dotant d’un conseil stratégique.

 

N’est ce pas ambitieux de démarrer son activité avec 3 projets différents ?

Oui, c’est assez ambitieux, mais il y a des synergies évidentes entre ces 3 piliers. Par exemple, nos formations vont nous permettre de recruter demain des futurs maraichers d’entreprises, parce que dans l’accompagnement que l’on propose, on aide nos clients à recruter et former un maraicher qui devient un salarié de l’entreprise. Les 3 piliers de Potagers & Compagnie permettent également d’équilibrer le modèle économique : gagner sa vie en vendant uniquement des légumes n’est pas évident !

 

Économiquement, comment ça fonctionne ?

L’une des motivations de notre projet est partie d’un constat : beaucoup de maraîchers n’arrivent pas à joindre les deux bouts, en maraîchage bio diversifié c’est 50 à 70h de travail par semaine avec très peu de vacances pour un revenu moyen de 800€ par mois, ce qui n’est pas acceptable. L’une des ambitions de Potagers & Compagnie, c’est de réfléchir à un autre modèle économique pour le maraichage : avec un potager d’entreprise, un maraicher salarié de l’entreprise, qui est membre de la communauté de travail qu’il nourrit. L’idée est qu’on transfère le risque, au lieu que ça ne repose que sur les épaules de l’agriculteur – son revenu étant la variable d’ajustement – c’est l’entreprise qui prend sur elle les éventuels aléas de production. Pour l’entreprise, c’est un investissement dans la motivation et la cohésion de ses équipes, le bien être au travail, son image, et dans un véritable outil de management et le bien-être au travail. C’est un investissement qui s’inscrit dans la responsabilité sociale des entreprises. Bien sûr, cela fonctionne avec des entreprises engagées, on s’adresse à des clients qui ont cette fibre.

 

Comment as-tu connu le Mouves ? Et pourquoi l’avoir rejoint ?

Sûrement par France Active. Potagers & Compagnie est une entreprise de l’ESS, et on souhaite s’intégrer dans ce milieu : je trouve ça intéressant de se connecter en réseau, pour trouver des partenaires, et avoir des relations avec d’autres entrepreneurs engagés. Le Mouves m’intéresse également parce que je change complètement d’univers, avec une première partie de carrière dans l’administration, je découvre beaucoup, sur les questions de management, d’économie, de droit du travail… pouvoir bénéficier de conseils, d’accompagnement, de formation, de compagnonnages avec des entrepreneurs me permet de faire la transition au mieux.

 

Est-ce que t’as des conseils pour les entrepreneurs sociaux, pour les personnes qui souhaitent rejoindre l’entreprenariat social ?

D’une façon ou d’une autre, acheter du temps. Pour prendre mon exemple, je suis en train de négocier une rupture conventionnelle avec mon employeur public – c’est très récent, c’est accessible pour le public que depuis le 1er janvier – ce qui permet d’avoir le chômage. Maintenant, qu’on soit salarié du privé ou du public, on peut par la rupture conventionnelle avoir un chômage indemnisé, qui donne quand-même 2 ans devant soi pour bâtir son projet. Je crois que l’un des principaux soutiens à la création d’entreprise en France, c’est la possibilité de cumuler chômage et création d’entreprise ! Car créer une entreprise puis pouvoir se sortir un salaire, c’est long…

C’est d’autant plus important dans des projets d’ESS, où on est sur des projets peut être moins rentables à très court terme. En agroécologie notamment, on suit le rythme de la nature : entre le moment où on plante et où on récolte, il faut que ça pousse ! On a travaillé sur la création du potager de la ferme St-Georges depuis octobre 2019 , et on a vendu nos premiers paniers de légumes jeudi dernier.

La crise sanitaire qui bouscule l’activité

Vous avez lancé votre activité juste avant la crise sanitaire, quelles sont les conséquences sur votre activité ?

On s’est pris la crise en pleine poire, oui. Si on reprend nos 3 piliers :

  • Sur l’activité de production agricole, ça a eu peu ou pas d’impact, quelques soucis pendant les premiers jours du confinement, sur l’approvisionnement mais la production agricole a été rapidement identifiée comme une activité essentielle.
  • Sur la formation, on a été complètement à l’arrêt, d’autant plus qu’on conçoit nos formations avec beaucoup de mise en pratique au champ donc forcément en présentiel. Là, on reprend nos formations, et ça va monter en puissance au 2nd semestre 2020.
  • Sur les potagers d’entreprises, on avait quelques bons contacts, mais les entreprises ont eu d’autres urgences à gérer. On est en train de démarcher actuellement, et d’essayer de remplir le carnet de commande.

Niveau trésorerie, ça a été compliqué mais on a pu mobiliser les différents outils de soutien et on se consacre maintenant à la relance de nos activités.

 

Quels sont vos prochains projets ?

Pour nous la grosse urgence c’est effectivement de redémarrer l’activité de formation. On en fait une première le 30 juin, on en a prévu en septembre et octobre. Le deuxième axe est de trouver nos futurs clients pour des potagers d’entreprise qui entreront en production au printemps 2021. On veut vraiment faire les choses bien et accompagner de bout en bout les entreprises, donc on ne fera pas plus de 2 à 3 créations de potagers par an. On n’a pas besoin de trouver 10 000 clients, mais quelques chefs d’entreprise prêts à s’engager dans cette aventure. Le 2 juillet, on organise l’inauguration de notre potager, avec une centaine d’invités dont des élus du territoire, nos fournisseurs et partenaires, et des entreprises du secteur. On a de bons contacts, notamment d’élus locaux qui voient la nécessité de se fournir localement pour les cantines scolaires par exemple, et d’entreprises engagées en termes de RSE ou sur de nouvelles formes de management.

 

Est-ce que pour toi la crise sociale et sanitaire a permis une prise de conscience sur la nécessité d’une agriculture locale ?

Je ne veux pas être pessimiste, alors je suspends mon jugement. . D’un côté, effectivement, on a touché du doigt les limites de la mondialisation ; d’un autre côté ce n’est pas le premier signal d’alerte (crise de 2008, rapports du GIEC, effondrement de la biodiversité…) et la transition écologique peine toujours à s’amorcer. Mais si ça peut permettre de faire basculer certaines personnes, c’est toujours intéressant et bon à prendre : petit à petit ça peut faire boule de neige.

 

Merci encore à Julien d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.

Retrouvez Potagers & Compagnie sur leur site internet, ainsi que sur les réseaux sociaux (Facebook, LinkedIn et Instagram).

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