Ma structure s’appelle Linoo c’est une plateforme web d’interprétariat et de traduction spécialisée dans le domaine médico-social donc l’idée c’est qu’il y a beaucoup de gens en France qui reçoivent des personnes qui ne parlent pas français, des personnes immigrées, des demandeurs d’asile, ou des étrangers tout simplement et qui ont du coup des difficultés à communiquer dans leur quotidien, le but de Linoo c’est de permettre à tout les gens qui sont en relation avec des non-francophones de pouvoir bénéficier de services d’interprètes et de traducteurs donc la clientèle est surtout composée de travailleurs sociaux et de travailleurs médicaux par exemple les hôpitaux ou les associations qui aident les réfugiés, l’office français de l’intégration et de l’immigration, les conseils départementaux, l’aide sociale à l’enfance, etc..
Ils se connectent donc tout simplement sur un moteur de recherche qui est fait de manière très fonctionnelle, parce que leur faire faire la transition digitale était un sacré pari étant donné qu’ils n’utilisent d’habitude pas du tout le numérique. C’est […] très simple, ils mettent la date, l’heure, le lieu, la langue et ils tombent sur une liste de personnes disponibles et pouvant répondre à leurs besoins. Aujourd’hui nous avons déjà près de 220 interprètes et traducteurs référencés sur le site dans 67 langues différentes, prêts à répondre aux besoins.
Comment êtes-vous devenue entrepreneure sociale ?
En fait j’ai toujours été dans le domaine associatif, j’ai un diplôme en sociologie, j’ai toujours travaillé dans le social, j’ai travaillé en prisons, j’ai travaillé avec des personnes immigrées, déjà le domaine social c’était forcé de par des valeurs que je porte depuis toujours, même dans ma famille, on travaille tous dans le social depuis je ne sais plus combien de générations, donc le côté social était plus logique que le côté entrepreneur pour moi. En réalité c’est l’entreprise qui est venue à moi : en fait j’étais salariée d’une association qui faisait à peu près la même chose que Linoo mais sans l’outil numérique et cette association a fermé l’année dernière au mois de janvier et tout le monde s’est retrouvé en grosse difficulté et c’est moi qui ai eu l’idée et qui ai développé, avec l’aide de développeurs informatique, le site internet. Il me fallait trouver une solution et le plus pratique s’est avéré être de créer une société en gardant l’aspect social.
Quels sont les obstacles que vous avez surmontés ?
En tant que femme et en tant que jeune, puisque j’ai commencé à créer Linoo à 26 ans, il a fallu acquérir de la crédibilité personnellement parce que les gens connaissaient l’association qui a fermé, ils connaissaient aussi les problèmes qu’il y avait eu et il fallait donc refaire confiance à quelque chose de complètement nouveau alors qu’ils ne me connaissaient pas tous personnellement. Il a donc fallu du temps pour acquérir cette crédibilité.
Introduire le numérique dans le projet aussi parce qu’il y a beaucoup de structures sociales qui notent tout à la main, il y en a même qui n’ont pas du tout d’ordinateurs, c’était un très gros pari que j’ai fait qu’ils allaient utiliser exclusivement ça pour leurs demandes d’interprètes, tout se passe sur le site actuellement donc ils fallait que nos clients soient autonomes.
Quels sont les enjeux actuels de Linoo ?
Actuellement j’essaie de répondre à des appels d’offre pour essayer de passer à l’échelle supérieure, au niveau local je travaille déjà avec des hôpitaux avec l’hôpital de Thionville, l’hôpital Mercy qui gère les hôpitaux Metz-Thionville, les centres médiaux psychologiques, je travaille également avec tout les centres psychologiques médicaux de Moselle et de Meurthe-et-Moselle et l’enjeu maintenant c’est de réussir à toucher des gros groupes qui sont très souvent en relation avec des personnes immigrées, Adoma, par exemple ou alors des grosses fondations, le groupe SOS, le Coalia également, donc de grosses structures avec des antennes partout en France et l’idée c’est de développer Linoo ailleurs puisqu’ici le tour est « à peu près » fait, et nous cherchons à changer d’échelle. Nous avons déjà ouvert en Belgique et au Luxembourg.
Des conseils pour un.e nouvel.le entrepreneur.e social.e ?
Il faut vraiment beaucoup de persévérance, de la motivation et surtout de la confiance en soi, et ça, ça a vraiment été mon point faible parce que je pense que c’est le propre des entrepreneurs de toujours se remettre en question et d’avoir des moments de doute mais je pense que parfois il faut savoir se lancer et c’est très difficile parce qu’on doit prendre les décisions seul. Donc pour mon premier conseil, il est vraiment de se faire accompagner, moi j’ai été hyper bien accompagnée, j’ai été accompagnée par Bliida, par la CRESS, et par la couveuse d’entreprises dans laquelle j’ai commencé, cette dernière pour le coup, est super et c’est un conseil que je peux donner si les gens doutent un peu de leur idée et de leur projet, aller en couveuse d’entreprises, ça permet de tester l’idée, le modèle économique et la viabilité du projet avant de se lancer complètement et c’est quand même une chance de pouvoir tester sans prendre trop de « risques ».
Je conseillerai aussi de ne pas se faire « trop » accompagner, parce qu’il ne faut pas se perdre, ni perdre ses valeurs, moi je suis partie avec l’idée de monter une association et au fur et à mesure que je rencontrais des gens mon projet devenait quelque chose qui n’était plus moi du tout, on me disait qu’en association il fallait faire attention parce qu’on allait me piquer le projet, etc J’ai quand même écouté certains de ces conseils puisque finalement je n’ai pas voulu créer une association mais une société, mais j’ai senti à certains moments que je me faisait « happer » mon projet par une sorte de « capitalisme » et les gens qui pensent savoir, souvent sans avoir eux-mêmes déjà créé d’entreprise !
Pourquoi avez-vous adhéré au Mouves ?
En fait je connaissait très peu jusqu’à ce que je voie le programme LeadHer, on voyait à Bliida de la documentation à ce propos et je me suis dit que c’était vraiment super et c’est à partir de là que j’ai vraiment commencé à me renseigner sur ce qu’était le MOUVES et forcément ça m’a parlé au niveau de mes idées et des valeurs que je porte, ça m’a aussi rassurée de me dire que quelque part le monde de l’entreprise ce n’était pas un monde d’horribles requins, qu’on pouvait faire de l’entreprise tout en ayant ce côté social. Le MOUVES est arrivé dans ma vie à un moment où j’étais en train de me demander quelle route j’étais en train de prendre et que je m’éloignais de moi, que je n’étais pas une entrepreneuse, maintenant je peux assumer qu’en fait si, je suis une entrepreneuse sociale !